Quel rapport entre des fémurs d’éléphants et des logiciels développés pour l’industrie ?
What have elephant femurs to do with industrial softwares ?
↓ English version below ↓
Camille vient juste de terminer ses tests préliminaires avant de lancer son analyse quantitative de la forme des os longs d’éléphants. Une occasion de faire le point sur les méthodes d’acquisition et de traitement de données chez GRAVIBONE.
Camille a commencé sa thèse en septembre 2021. Son sujet porte sur l’adaptation de la forme externe et de la structure interne des os des membres des proboscidiens à la graviportalité. Ce travail porte sur les six os longs des membres, à savoir : humérus, ulna, radius, fémur, tibia et fibula.
L’objectif est de déterminer les éléments structuraux liés au soutien de la masse chez les proboscidiens. La réalisation de ces objectifs s’appuie sur l’analyse de la structure externe et de la micro-structure interne de ces os longs au moyen de la méthode de morphométrie géométrique 3D.
La première partie de sa thèse consiste à étudier la forme externe des os longs de proboscidiens actuels. La seconde porte sur leurs cousins fossiles. Des différences / ressemblances liées au support du poids, mais également à leur héritage historique, pourront vraisemblablement être dégagées de ces analyses.
Dans une troisième partie, Camille analysera la microstructure interne des os longs de proboscidiens actuels et fossiles au moyen d’autres méthodes. Ce travail permettra d’obtenir des données qui pourront être mises en rapport avec les résultats des analyses de forme externe.
La première partie de sa thèse consiste à étudier la forme externe des os longs de proboscidiens actuels. La seconde porte sur leurs cousins fossiles. Des différences / ressemblances liées au support du poids, mais également à leur héritage historique, pourront vraisemblablement être dégagées de ces analyses.
Dans une troisième partie, Camille analysera la microstructure interne des os longs de proboscidiens actuels et fossiles au moyen d’autres méthodes. Ce travail permettra d’obtenir des données qui pourront être mises en rapport avec les résultats des analyses de forme externe.
L’acquisition des données
Le premier travail de Camille a consisté à se rendre dans les collections de différents musées pour récolter les données nécessaires aux deux premières parties de sa thèse portant sur les proboscidiens actuels et les fossiles.
Pour les os de proboscidiens fossiles, Camille est partie en mission à Stuttgart et à Vienne. Là-bas, elle a acquis les données par photogrammétrie, un procédé qui consiste à prendre plein de photos d’un os sous différents angles et sous toutes ses faces. Dans son travail, Camille prenait en photo l’os sous deux faces, avec environ 200 photos par face. |
La reconstitution des données
Une fois ces données récupérées, il était temps de les transformer en modèles 3D utilisables pour les analyses de forme.
La reconstitution des données issues de la photogrammétrie
Pour ce qui est de la photogrammétrie, la reconstitution d’un modèle 3D à partir des images de l’appareil photo est automatisée. Néanmoins, un nettoyage manuel ultérieur des parties de l’arrière-plan encore visibles est obligatoire. Ensuite, il faut poser des points sur chaque os qui vont servir de repères pour aligner les deux faces entre elles.
Chez Gravibone, ce travail de reconstitution est réalisé avec le logiciel Agisoft Photoscan, principalement utilisé dans l’industrie du jeux-vidéo et du cinéma, ce qui démontre l’habileté des chercheurs à détourner des outils pour leur propre usage !
Chez Gravibone, ce travail de reconstitution est réalisé avec le logiciel Agisoft Photoscan, principalement utilisé dans l’industrie du jeux-vidéo et du cinéma, ce qui démontre l’habileté des chercheurs à détourner des outils pour leur propre usage !
La reconstitution des données issues du scanner surfacique (Artec Studio)
Le scanner surfacique Artec Eva reconstitue l’objet en 3D en direct sur l’ordinateur auquel il est relié. Néanmoins, plusieurs scans sont nécessaires pour bien scanner toutes les faces de l’objet. Chaque scan doit être nettoyé des morceaux d’arrière-plans restants et les erreurs d’alignement corrigées.
Tout comme pour la photogrammétrie, le logiciel qui permet de traiter les données issues de scans surfaciques a été essentiellement développé pour un champ différent de la recherche, celui de l'industrie. Les applications sont donc nombreuses.
Tout comme pour la photogrammétrie, le logiciel qui permet de traiter les données issues de scans surfaciques a été essentiellement développé pour un champ différent de la recherche, celui de l'industrie. Les applications sont donc nombreuses.
La préparation à l’analyse
Nous arrivons à la première étape de l’analyse de morphométrie géométrique 3D à proprement parler. Elle se compose d’une partie où l’on pose des points repères à des endroits stratégiques sur les 6 types d’os longs. L’emplacement de ces points repères est répertorié dans des protocoles. Le chercheur doit ensuite tester sa capacité à replacer ces points aux mêmes endroits sur tous les os longs. Il réalise un test de répétabilité sur quelques individus très similaires de son échantillon. Si sa capacité à répéter correctement l’opération est vérifiée, alors peut commencer la pose de ces points repères sur tous les os de l’échantillon.
L’établissement de protocoles
La première étape consiste à placer des points repères, appelés “landmarks anatomiques” dans notre jargon, à des endroits qui vont être facilement repérables d’un même type d’os à un autre. Un protocole qui spécifie ces endroits pour chacun des 6 types d’os longs est donc dressé (voir un exemple des types de régions d’un os qui peuvent être choisis dans l’image 13).
Image 10. Landmark posés sur une fibula d’Elephas maximus sous le logiciel IDAV Landmark. Prenons l’exemple du point "s0", tout en haut : il correspond à un emplacement désigné sous le terme de "point le plus proximal du tubercule latéral de l’éminence intercondylaire). Il sera l’un des points repères posés sur toutes les fibulas analysées de l’échantillon.
Une fois les landmarks placés sous IDAV Landmark, un logiciel spécifiquement développé par le département d’anthropologie de l’Université de Californie Davis et pour la paléontologie, peuvent commencer les tests de répétabilité sous le logiciel de traitement statistique R.
Tests de l’homologie de la pose de points sur un même individu
Pour s’assurer qu’elle était capable de reposer les points aux mêmes endroits sans faire d’erreur, Camille a réalisé des tests de répétabilité. Ils consistent à poser plusieurs fois les points sur les mêmes emplacements sur le même os 10 fois, puis à répéter cette opération pour deux autres os très similaires au premier. Elle choisit des spécimens de la même espèce qui sont, si possible, de taille voire de sexe similaire. Admettons, pour reprendre notre exemple plus haut, qu’il s’agisse de la fibula d’un Éléphant d’Asie (Elephas maximus). Camille s’entraînera à poser cinq fois aux mêmes emplacements ses landmark sur la fibula de l’individu Elephas maximus 1, puis répètera l’opération sur une fibula d’un Elephas maximus 2 puis d’un Elephas maximus 3.
Une fois ces opérations réalisées, des lignes de code sur le logiciel de traitement statistique R aboutiront à une Analyse en Composantes Principales, qui permet de visualiser les différences dans la pose des points. L’objectif est qu’il y ait moins de différence entre les points posés sur un même individu qu’entre des points posés sur deux os différents.
Une fois ces opérations réalisées, des lignes de code sur le logiciel de traitement statistique R aboutiront à une Analyse en Composantes Principales, qui permet de visualiser les différences dans la pose des points. L’objectif est qu’il y ait moins de différence entre les points posés sur un même individu qu’entre des points posés sur deux os différents.
À l’heure actuelle, Camille a terminé ses tests de répétabilité.
Elle peut désormais commencer à poser ses landmarks sur l’ensemble de son échantillon. Une fois ceci terminé, Camille commencera l’analyse de morphométrie géométrique à proprement parler, qui comprend des analyses statistiques de la taille et de la forme des os échantillonnés.
Affaire à suivre !
Elle peut désormais commencer à poser ses landmarks sur l’ensemble de son échantillon. Une fois ceci terminé, Camille commencera l’analyse de morphométrie géométrique à proprement parler, qui comprend des analyses statistiques de la taille et de la forme des os échantillonnés.
Affaire à suivre !
Découvrez le travail de Camille en vidéo :
English subtitles available.
Le XX/XX/22 par Sylvain Leloup.
What do elephant femurs have to do with industrial softwares?
Camille has just finished her preliminary tests before launching her quantitative analysis of the shape of elephant long bones. An opportunity to review the data acquisition and processing methods at GRAVIBONE.
Camille started her thesis in September 2021. Her subject is the adaptation of the external shape and internal structure of proboscidean limb bones to graviportality. This work concerns the six long bones of the limbs, namely: humerus, ulna, radius, femur, tibia and fibula.
The objective is to determine the structural elements related to mass support in proboscideans. The realization of these objectives is based on the analysis of the external structure and the internal micro-structure of these long bones using 3D geometrical morphometry method.
The first part of her thesis consists in studying the external shape of the long bones of modern proboscideans. The second part focuses on their fossil cousins. Differences / similarities related to the weight bearing, but also to their historical heritage, may be identified from these analyses.
In a third part, Camille will analyze the internal microstructure of long bones of modern and extinct proboscideans using other methods. This work will provide data that can be related to the results of the external shape analyses.
The first part of her thesis consists in studying the external shape of the long bones of modern proboscideans. The second part focuses on their fossil cousins. Differences / similarities related to the weight bearing, but also to their historical heritage, may be identified from these analyses.
In a third part, Camille will analyze the internal microstructure of long bones of modern and extinct proboscideans using other methods. This work will provide data that can be related to the results of the external shape analyses.
Data acquisition
Camille's first work consisted in visiting the collections of different museums to collect the data necessary for the first two parts of her thesis on modern proboscideans and fossils.
For the fossil proboscidean bones, Camille went on a mission to Stuttgart and Vienna. There, she acquired the data by photogrammetry, a process that consists in taking many photos of a bone from different angles and from all its faces (in her work, Camille took photos of the bone from two faces, with about 200 photos per face). |
Data reconstruction
Once these data were recovered, it was time to transform them into 3D models that could be used for shape analysis.
Photogrammetry data reconstruction
As far as photogrammetry is concerned, the reconstitution of a 3D model from the camera images is automated. Nevertheless, a subsequent manual cleaning of the still visible parts of the background is mandatory. Then, points must be placed on each bone to align the two faces with each other.
At Gravibone, this reconstruction work is done with Agisoft Photoscan, a software which is mainly used in the video game and movie industry, which shows the ability of the researchers to divert tools for their own use!
At Gravibone, this reconstruction work is done with Agisoft Photoscan, a software which is mainly used in the video game and movie industry, which shows the ability of the researchers to divert tools for their own use!
Surface scanner data reconstruction
The Artec Eva surface scanner reconstructs the 3D object in live on the computer to which it is connected. However, several scans are required to properly scan all sides of the object. Each scan has to be cleaned from remaining pieces of background and alignment errors have to be corrected.
As with photogrammetry, the software that allows the processing of data from surface scans was essentially developed for a different field of research, that of industry. The applications are therefore numerous.
As with photogrammetry, the software that allows the processing of data from surface scans was essentially developed for a different field of research, that of industry. The applications are therefore numerous.
Preparation for analysis
We are now at the first step of the 3D geometric morphometry analysis. Firstly, we place landmarks at strategic locations on the 6 types of long bones. The location of these landmarks is recorded in protocols. The researcher must then test his ability to place these points at the same locations on all long bones. He performs a repeatability test on a few very similar individuals from his sample. If his ability to repeat the operation correctly is verified, he can then begin to place these markers on all the bones in the sample.
Establishing protocols
The first step is to place landmarks, called "anatomical landmarks" in our jargon, at locations that will be easily identifiable from one type of bone to another. A protocol specifying these locations for each of the 6 types of long bones is therefore designed (see an example of the types of regions of a bone that can be chosen in image 13).
Image 11. Landmark placed on a fibula of Elephas maximus under the IDAV Landmark software. Let's take the example of the "s0" point, at the very top: it corresponds to a location designated as the "most proximal point of the lateral tubercle of the intercondylar eminence".) It will be one of the landmarks placed on all the fibulas analyzed in the sample.
Once the landmarks are placed in IDAV Landmark, a software program specifically developed by the UC Davis Department of Anthropology and Paleontology, repeatability tests can begin in the statistical processing software R.
Homology test of the laying of points on the same individual
To make sure that she was able to place the points in the same places without making mistakes, Camille performed repeatability tests. These consisted of placing the dots on the same locations on the same bone 10 times, then repeating this operation for two other bones very similar to the first. She chooses specimens of the same species that are, if possible, of similar size or sex. Let's say, to use our example above, that it is the fibula of an Asian Elephant (Elephas maximus). Camille will practice placing his landmarks five times in the same places on the fibula of the first Asian Elephant, then repeat the operation on the fibula of the second one and then on the third one.
Once these operations are done, lines of code on the statistical software R will lead to a Principal Component Analysis, which allows to visualize the differences in the pose of the points. The objective is that there should be less difference between points placed on the same individual than between points placed on two different bones.
Once these operations are done, lines of code on the statistical software R will lead to a Principal Component Analysis, which allows to visualize the differences in the pose of the points. The objective is that there should be less difference between points placed on the same individual than between points placed on two different bones.
At this point, Camille has completed her repeatability tests.
She can now start placing her landmarks on her entire sample. Once this is complete, Camille will begin the proper geometric morphometry analysis, which includes statistical analyses of the size and shape of the sampled bones.
To be continued!
She can now start placing her landmarks on her entire sample. Once this is complete, Camille will begin the proper geometric morphometry analysis, which includes statistical analyses of the size and shape of the sampled bones.
To be continued!